Décembre 2021 - 

Enfant, il voulait être chercheur dans le domaine du cancer. Aujourd'hui, le professeur Johan Swinnen est affilié au Leuven Cancer Institute de la KUL (Leuven), responsable du Laboratoire du métabolisme lipidique et du cancer et instigateur d'actions très originales pour soutenir les patients atteints de cancer, dont son fils.

Quand, à l’âge de 11 ans, un de ses petits camarades a perdu sa tante et sa mère à cause d'un cancer du sein, cela lui est apparu comme une évidence. « J'ai aussitôt pensé : je ne peux pas laisser ça arriver, je veux faire quelque chose à ce sujet, je dois devenir chercheur sur le cancer quand je serai grand. J'ai peu parlé de mon intention car cela semblait un peu naïf. Mais quand j’ai eu 18 ans, j'étais sûr de ce que je voulais faire ; je sentais que si nous voulions combattre le cancer, nous devions d'abord démêler et comprendre les mécanismes moléculaires à l’origine de la maladie. J'ai pris la décision consciente de devenir biochimiste plutôt que médecin », explique le professeur Johan Swinnen.
Après ses études à Diepenbeek (Anvers) puis aux États-Unis, il se retrouve à l'UZ Gasthuisberg (hôpital universitaire de Louvain) pour son service civil en 1992. « En fait, je ne m'en suis plus jamais éloigné. », dit le professeur.

Père et fils

« À Louvain, je travaillais dans la recherche sur le cancer de la prostate. Pendant des années, j'ai essayé de comprendre la base moléculaire du cancer de la prostate, comment développer de meilleurs marqueurs de la maladie, mieux la détecter et surveiller le cancer. Mais quand mon père est tombé malade, je n'ai rien pu faire. J'ai trouvé très difficile que, alors que c’était ma spécialité, je ne puisse pas mieux aider mon père qui a eu un cancer de la prostate. Mais très vite, cette frustration et cette tristesse se sont traduites en un regain d’énergie : le destin de mon père était tel qu’il m’apportait la preuve de la nécessité de notre travail. Plus que jamais, j'ai réalisé que je ne faisais pas seulement un travail pour gagner ma vie, mais que je m'occupais de la vie des gens. »

Mais en 2011, son fils Pieter a été diagnostiqué d’une tumeur au cerveau. Pieter avait 13 ans à l'époque. « J'ai ressenti une défaite totale, pas de la colère. Mais nous ne pouvions pas accepter le verdict. Le risque qu'un médulloblastome se produise chez un enfant est de un sur cent mille. Pourquoi cela devait-il nous arriver ? Nous avions toujours vécu en bonne santé, n'est-ce pas ? Alors pourquoi ? Il n'y a évidemment pas de réponse à cette question, sauf une malheureuse coïncidence. Cette coïncidence qui a fait que Pieter souffre d’une erreur lors de la copie de l'ADN au niveau de cellules de son cerveau, au niveau d’un gène important pour la croissance cellulaire, provoquant le développement d'une tumeur. Malchance. »

Les chances de survie de Pieter étaient minces et son père a promis qu'il ferait « quelque chose de fou » si Pieter survivait. Six ans plus tard, le professeur Swinnen a marché de Louvain à Compostelle, 2300 km en 33 jours. Au cours de son voyage, il a transporté des lettres « de » et « pour » plus de 800 patients atteints de cancer. " C'est ainsi qu'est né 'Post voor Compostela' »   http://post-voor-compostela.be/

johan-peter-swinnen


Un long parcours

“ De lange Tocht » (Le long voyage), c’est également le titre d'un livre du professeur Swinnen qui fait non seulement référence au long parcours de son fils Pieter et de tous les patients atteints de cancer, mais également au long chemin de la recherche sur le cancer. « Alors que le cancer fait encore des ravages, nous sommes convaincus que nous sommes sur la bonne voie. Bien sûr, il existe différents traitements contre le cancer et chaque cancer est différent, mais nous pouvons déjà faire pas mal de choses, nous pouvons sauver environ la moitié des patients aujourd'hui. Cela peut sembler un faible pourcentage, mais par rapport à il y a 40 ou 100 ans, c'est une énorme amélioration. Néanmoins si vous regardez les effets secondaires et les conséquences durables, vous voyez qu'il y a encore beaucoup de besoin d'amélioration et nous y travaillons."

À l'instar de « Post voor Compostela », le professeur Swinnen a lancé un autre projet associé à une marche, en été 2019. Cette fois, l'accent était mis sur la connexion des gens. De petites statues en argile symbolisaient ce lien. Quiconque le voulait pouvait dédier une statue à quelqu'un en lui donnant un nom. Le professeur Swinnen a ainsi marché un kilomètre pour chaque statue tout en continuant son voyage. En 25 jours, 2000 statuettes ont été mises à l’honneur et Johan Swinnen a marché de Louvain à Rome. Il a suivi la Via Francigena, en traversant la France, franchissant le col du Saint-Bernard en Suisse et traversant la Toscane italienne en direction de Rome. Les figurines se trouvaient ensemble dans une vitrine d'un magasin vide à Louvain. Cela a créé un grand symbole de solidarité. Avec sa nouvelle initiative 'Hou(t) me vast' (Tiens- moi fort), le professeur veut donner aux patients, à leurs proches et à tous ceux qui en ont besoin un soutien, au propre comme au figuré. « Des figurines en bois sont fabriquées avec beaucoup de soin et de dévouement à Den Ateljee, un centre de jour où des personnes handicapées (y compris Pieter Swinnen) travaillent et fonctionnent pleinement dans la société. Donnez-en un à quelqu'un qui pourrait avoir besoin d'aide ou simplement à vous-même. « Tout le monde a parfois du mal. Surtout en ces temps bizarres. Un peu de soutien peut faire des merveilles. Combien de fois disons-nous « avoir besoin d’être fort tenus. »  Vous pouvez aussi soutenir via ces statuettes des projets qui offrent aux patients atteints de cancer quelque chose à quoi s'accrocher. »

johan swinnen

 

Place particulière pour la Belgique

« La Belgique joue un rôle de premier plan au niveau international dans la recherche et le développement de nouveaux traitements contre le cancer. Nous avons des dizaines de chercheurs de haut niveau dans diverses universités et entreprises de renommée mondiale et qui publient dans les principales revues. La Belgique est aussi l'un des pays avec le plus grand nombre de patients participant à des études cliniques expérimentales, nous avons un bon registre national du cancer, un dépistage de la population bien organisé, des centres de cancérologie et des associations de cancérologie et de patients très actives », déclare le professeur Swinnen. "Cependant, il y a toujours place pour l'amélioration. Le financement de la recherche contre le cancer est limité, comparé à nos collègues étrangers. Par conséquent, les chercheurs perdent beaucoup de temps à rédiger des demandes de crédit et des rapports, et la pression de travail est également élevée chez les médecins et les infirmières.  En raison des différences de régimes fiscaux, entre autres, nous voyons beaucoup moins de revenus pour la recherche contre le cancer en Belgique via le mécénat, les testaments ou d'autres dons que dans certains autres pays. Une partie de la recherche sur le cancer est financée par de nombreux fonds de lutte contre le cancer, petits ou plus importants, et dépend d'initiatives de collecte de fonds individuelles telles qu'une vente de gaufres pour un fils/une fille malade, des balades à vélo ou… des voyages à pied vers Compostelle. »


BE2111172757  - 17/11/2021

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