Juin 2023

 

Il est devenu une figure médiatique depuis la parution de ses livres sur l’euthanasie* et encore plus depuis qu’une jeune influenceuse française a eu recours à son aide. Retour sur son combat et les causes qu’il défend.


Depuis 50 ans, le Dr Yves de Locht exerce la médecine générale à Bruxelles. En 2002, suite à la loi sur la dépénalisation de l’euthanasie, il a suivi une formation spécifique à l’institut Jules Bordet « sur tout ce qui entoure la fin de vie … Quelques années plus tard, je n’avais toujours pas pratiqué d’euthanasie, mais c’était un domaine qui m’intéressait […] Je pense que tous les généralistes sont confrontés tôt ou tard à des cas difficiles de gens qui ont des cancers ou toute autre maladie qui les rapproche de la mort" explique-t-il évoquant également des expériences personnelles, la perte de proches dans des conditions difficiles qui l’ont amené à se pencher sur la question.  

C’est il y a un peu plus de 10 ans, à la demande d’un confrère, qu’il va réaliser sa première euthanasie. Il s’agissait d’un prêtre atteint d’une maladie de parkinson avancée. Son médecin traitant, favorable à l’idée, ne pouvait répondre à la demande parce que « s’il la pratiquait, il était mis à la porte de la maison de repos » et l’appela à l’aide. Et malgré la loi, il existait encore des réticences de la part de l’institution de soin. « C’est ainsi que cela a commencé pour moi, mais jamais seul, toujours avec un autre médecin. » Les années suivantes il a eu l'occasion d'accompagner quelques-uns de ses patients vers une mort apaisée. Et après avoir donné des conférences en France pour expliquer la législation belge, il a commencé à recevoir de nombreuses requêtes. « Comme c’est éprouvant pour un médecin […] je ne dépasse pas une euthanasie par mois, l’émotion reste toujours importante, d’abord pour les familles puis pour le médecin aussi ».

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Y. de Locht témoigne que ces patients ont le sentiment qu’on leur rend leur liberté, une phrase qui avait donné le titre de son premier livre. Et toujours attentif à analyser la justesse de ses actes, il confie : “Depuis que je fais des euthanasies, les retours des familles et des patients me confortent dans l’idée que j’ai bien agi » et insiste sur l’importance de travailler rigoureusement « on respecte toujours le cadre imposé par la loi, on s’entoure d’un maximum de sécurité ». Dans sa démarche, une attention toute particulière est portée à écouter la demande du patient. En pratique, il observe le soulagement lorsque celle-ci est entendue « celui qui va être euthanasié est rassuré, il sait qu’on est allé jusqu’au bout de ce qu’on peut faire avec les outils dont la médecine dispose. On a essayé tous les traitements, il nous a demandé si partir était possible, c’est une espèce de contrat moral, qu’on s'engage à respecter »


« En effet, je suis très sensible à la souffrance humaine, et je sais que la médecine a des limites même si on peut beaucoup calmer la douleur physique. 80% des cas de demandes d’euthanasie concernent des souffrances psychiques, des gens qui ne supportent plus de n’avoir aucune perspective d’amélioration, aucune autre issue que la mort. Parfois, rien que le fait d’ouvrir un dossier rassure les malades en souffrance, c’est très curieux, certains reprennent leur traitement, retrouvent un certain goût à la vie…parce qu’ils savent que s’ils n’en peuvent plus, il y aura une porte de sortie. »

 

Et l’entourage des patients ?

« Quand les patients viennent me voir, je félicite toujours le mari, la femme, la famille ou les proches qui sont à leurs côtés. On ne parle pas beaucoup des accompagnants d’une personne gravement malade, depuis fort longtemps parfois. Il faut comprendre qu’on parle de différentes formes de fin de vie, il y a les agonies qui durent pendant des mois, très éprouvantes pour les proches, ou les suicides particulièrement épouvantables, et puis les euthanasies pour lesquelles on peut faire son deuil déjà un peu en amont, se préparer ce qui va se passer… Si l’entourage a vu celui qui a été euthanasié rassuré, et dire « merci, il était temps, je vous remercie » juste avant sa mort, il risque d’en être moins traumatisé.
« Avant de préparer une euthanasie, je rencontre la famille, j’explique ce qui va se passer, car c’est quand même une mort brutale, cela va très vite. Donc, les proches doivent savoir que s’ils ont des choses à dire ou à faire, ils doivent le faire dans les jours qui précèdent le jour J du départ. »

 

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Sources :
  • La parole des proches dans la fin de vie : interview du Dr Yves de Locht, par le Dr Thomas Vaessen, Tempo Médical, oct 2021
  • Yves de Locht : j’appelle l’euthanasie le dernier soin – Le grand entretien, propos recueillis par G. Papy, Le Vif, numéro 35, 2 septembre 2021

 

* Docteur, rendez-moi ma liberté, par Yves de Locht et Olivier Falorni, éd. Michel Lafon, 2018
& Maintenant qu’ils ne sont plus là, par Yves de Locht et Guylène Liétaert, éd.Ker, 2021 

 

BE2305244736  - 24/05/2023

 

 

 

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